Transatlantique 2018
Canaries – Cap Vert


Ce matin, je me suis levée pour prendre mon quart. Réveil très anticipé pour avoir le temps d’émerger sans stress… sur la mer comme sur la terre, impossible de me lever fissa avec le chant des trompettes! Et pourtant mon poste est à moins de 10 secondes de mon lit… Soit, il semblerait que je traîne encore mes vieilles habitudes de salariée et il faut bien l’admettre j’aime pas être en retard, surtout quand il s’agit de reprendre le quart d’un équipier. On sait que l’on est attendu…

Mon voisin de couchette ouvre un oeil, puis un autre. On échange quelques mots… en ce moment on s’inquiète beaucoup du sommeil des uns et des autres, c’est un coup à prendre que de dormir dans ce qui m’évoque le plus une machine à laver. On est littéralement dans l’eau, ça secoue, ça tangue, ça glougloutte de partout et des vagues, plus intenses que d’autres, se jettent avec force sur la coque, faisant vibrer la cabine…

Le Toucan, oiseaux des mers


Réveil en sursaut! Et si on coulait? Cette cloison, n’est-elle pas un peu fine?
Et si cette vague nous faisait chavirer? Et si…
Peurs irrationnelles… il faut faire confiance au bateau! Le Toucan est une belle bête, pas un petit moineau de pacotille! C’est un monstre avec ses 9 mètres de large et ses 12 mètres de long… il avance peinard sur l’océan qu’il connaît bien. Tout va bien. Je fini par me laisse bercer par ces mouvements qui en rendent certains malades, d’autres insomniaques. Pour ma part, j’ai de la chance. Mon métabolisme est comme le Toucan, imperturbable.

Alex est rassuré, il n’a pas manqué son réveil et ce n’est pas à lui de se lever. Deux roulis plus tard, le voilà qu’il dort déjà. Sur le bateau, je ne m’encombre pas. On ne peut pas encore parler de chaleurs tropicales et je n’ai qu’une série de vêtements “techniques”, donc 10 secondes pour enlever mon pyjama et à peu près le même temps pour enfiler ma tenue de navigation et ça y’est, suis fin prête pour mon tour de veille. Je monte sur le pont où je rejoins Bertrand, contemplatif:

“Regarde! Des dauphins!” ils sont là, juste à côté de nous, jouant avec le Toucan… A ce moment, je me dis que la vie est quand même belle et que ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de commencer sa journée avec des dauphins dans les yeux… Tout cela me mets de bonne humeur!

Aux manettes du Toucan


J’ai la patate même, et ça fait du bien! Les deux premiers jours de navigation étaient un peu cotonneux. Il a fallu s’habituer à un univers sempiternellement vacillant… C’est un peu comme avoir la gueule de bois, cette histoire : on n’est pas dans notre assiette, on veut manger mais on a pas faim (ou l’inverse), on est fatigué, las, avec juste l’envie de se poser sur son canapé et de s’endormir en espérant que tout ça sera derrière nous au réveil. Mais une fois réveillé, tu constates que non seulement tu es toujours sur un bateau, mais que ce qui est derrière toi, c’est la terre! Sans mentionner le canapé qui a rejoint la baignoire, l’eau chaude et les nuit complètes dans un univers parallèle, bien loin du tien.

Le Toucan et la fine équipe juste avant le départ


La houle n’est pas le seul élément à prendre en compte, le rythme de vie aussi doit trouver sa juste allure. Parce que les heures de veille durant la journée ça va, c’est même sympa… mais ça continue la nuit, et faut se lever pour aller les faire, ses deux heures de quart. Puis repartir se coucher pour compléter sa nuit avant le service du matin… Au final, cela nous fait deux heures de quart toutes les six heures.


Revenons-en à nos dauphins, qui lassés de leur course avec le Toucan, disparaissent d’un coup de nageoire.

Il est 08h00, l’heure de prendre place dans le cockpit pour mes deux premières heures de veille de la journée. Il ne fait pas très beau, mais pas froid. Je m’installe sur la chaise de quart, trône impérial du Toucan : je check les différents écrans qui m’indiquent la direction du vent, l’angle de ce dernier par rapport au bateau, sa force apparente, réelle, etc. Je check notre position quant au cap défini et jette également un oeil à la voile et finalement, à notre vitesse… Le vent et la vitesse alimentent beaucoup nos discussions avec le capitaine, on pense vent, on anticipe vent, on agit vent… on rêve même au gré du vent, c’est dire!

Jour 6 – toujours difficile le réveil du matin


C’est mon quart préféré que celui qui initie la journée. C’est devenu un moment de discussion avec Jampi, le capitaine… y me chouchoutte, car comme il le dit lui-même, c’est un féministe et “les femmes finiront par gouverner le monde”! En attendant l’heure prochaine de mon règne, j’ai le droit à un café qu’il accompagne toujours d’un petit morceau de chocolat : “t’es tellement fine qu’on pourrait te plier en deux” (Jampi qui vient juste de débarquer dans ma cabine, me tendant deux tartines de pâté et un cornichon avant de repartir : “j’suis le seul homme galant sur ce bateau, nom de dieu!”. C’est pas le plus galant, c’est simplement le meilleur!).


Les deux premières heures passent vite entre les petites manoeuvres et mes nombreuses questions sur la navigation.

Quand Alex me reprend, je descends direct à la table des cartes faire le point GPS… ça c’est mon gros kiffe! Nous repérer sur la carte papier, calculer les milles parcourus, ceux qu’ils nous restent avant d’arriver, définir le cap à prendre, etc.

Table à cartes

C’est les petites surprises de la vie car j’aurais jamais cru qu’un jour, j’aurais du plaisir a utiliser un compas et une règle!